Faut-il être souple pour faire du Yoga ?

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Non, il ne faut pas être souple pour faire du Yoga !


Je ne compte plus le nombre de fois que j’ai entendu cette phrase : "je ne suis pas assez souple pour faire du Yoga". 

Tout ceci vient d’un gros malentendu : le Yoga n'est pas de la gym et les postures qui composent le Yoga ne sont que la pointe immergée de l'iceberg. S'il est important de faire des âsana - des postures - ce n'est pas tant pour être souple, pas plus qu'il ne faut être souple pour faire des âsana. Cette vision très occidentale du corps et du Yoga montre malheureusement que l'essentiel du Yoga n'est pas compris. Les raisons derrière ce malentendu sont nombreuses et nous y reviendrons à un autre endroit. 


Une recherche d'harmonie

Selon les indiens, le corps est bien plus qu'un corps physique qu'il faudrait muscler et assouplir. Si c'était vraiment le cas, la gymnastique suffirait.  Pourquoi alors faire du Yoga? Le but recherché par le Yoga est l'harmonie. Cette harmonie passe par la réconciliation de plusieurs parties de nous-même. 

Le corps est divisé en 5 grandes dimensions, en 5 grandes parties. 

  1. Le corps est tout d’abord un corps physique. C’est-à-dire un corps que l’on peut toucher, sentir, un corps solide. C’est la définition du corps tel qu’il est considéré dans la médecine occidentale traditionnelle. C'est la dimension physique du corps.  
  2. Ensuite, ce corps est vivant. Ce n’est pas rien de le dire. Il est évident pour les indiens que ce corps est composé d’une énergie vitale, prāṇa. Nous le sentons, d’ailleurs, parfois nous avons de l’énergie et parfois nous en avons moins. C'est la dimension énergétique du corps.
  3. Ce corps est intelligent. Nous avons besoin de connaissances pour faire fonctionner ce corps. Il doit être capable de nourrir, de dormir, de marcher, etc. Le corps, s’il n’est pas intelligent, ne peut survivre par lui-même. C'est la dimension intelligente du corps. 
  4. Ce corps est pétri d’émotions. Nous sommes constitués d’expériences et d’événements. Ces événements nous constituent et déterminent en très grande partie notre personnalité profonde. C'est la dimension émotionnelle du corps. 
  5. Ce corps est un corps spirituel. C’est un corps constitué de sentiments universels comme l’amour inconditionnel, la confiance, la Foi. L’humain est capable de s’élever au dessus de la masse pour agir d’une manière universellement valable. C'est la dimension spirituelle du corps. 


Des couches interdépendantes

Disons que chacune de ces couches est responsable pour une fonction essentielle du corps. Ce qui est le plus intéressant est que chaque couche est responsable à sa manière du bien-être et du bon fonctionnement du corps tout entier. Autrement dit : un problème à un endroit se répercute à un autre. Ces couches forment un jeu continuel d’interrelations, elles sont interdépendantes.   

Prenons un exemple. Tous les matins, je demande à mon corps physique de m’amener au travail en voiture. Je m’y rends avec toutes les bonnes intentions du monde. Mon patron, qui divorce, n’est pas de bonne humeur. Il a changé, il devient très dévalorisant, il n’apprécie plus mon travail comme avant. Ma motivation en prend un coup. J’ai le sentiment de ne plus être assez bon, et étant déjà à mon maximum, je ne peux pas m’améliorer. Il y a de fortes chances que je tombe dans un gros burn out. Ce burn out qui prend son origine finalement dans le couple de mon patron a une grande influence sur mes émotions personnelles, dans ma propre couche émotionnelle. Autrement dit, je vis quelque chose de difficile dans ma couche émotionnelle et les dimensions énergétiques et physiques de mon corps sont affectées. D'ailleurs, il est possible que je devienne beaucoup plus raide dans mon corps à ce moment-là... 


L’idéal est de considérer le corps comme un tout et surtout d’harmoniser les parties entre-elles de la meilleure manière possible. 


Toutes ces parties ont toutes un impact sur le bien-être du corps en lui-même.  Sachant cela, je me permets de revenir un moment sur notre question de départ. Faut-il être souple pour faire du Yoga ? On comprend mieux, en regardant ce modèle que le fait d’exécuter des postures parfaitement est secondaire. L’idéal est de considérer le corps comme un tout et surtout d’harmoniser les parties entre-elles de la meilleure manière possible. 

Pour cela, nous avons beaucoup d'outils dans le Yoga. La respiration, le chant, la méditation, les visualisations, les fait de poser nos mains sur certaines partie du corps. Nous avons aussi des milliers d'adaptation pour les postures qui nous permettent d'en pratiquer une bonne partie en étant pas souple. Oui, oui, oui !


Un corps épanoui

Un bon professeur saura choisir pour nous les outils qui nous correspondent afin de promouvoir l'harmonie à l'intérieur de toutes ces différentes couches de notre corps. Le but du Yoga n'est pas d'avoir un corps souple, le but du Yoga est d'avoir un corps heureux, épanoui, c'est très différent ! 

Tous ces outils demandent un temps d'apprentissage, un temps de décantation, de transformation personnelle, le contact à long terme avec un enseignement compétent, une relation professeur-élève sur le long terme. Cela demande un engagement personnel. 


Malheureusement, nous n’avons plus le temps. Le Yoga est devenu un business qui nous s'éloigne fort de la transmission respectueuse entre professeur et élève traditionnelle. Seules quelques postures sont réellement un peu comprises et seule la dimension physique est prise en compte aujourd'hui. 

Il ne faut donc pas s’étonner d’entendre : "je ne suis pas assez souple pour faire du Yoga".   


Prenons le temps de revenir à un Yoga plus respectueux du corps dans toute sa complexité et nous verrons à quel point nous allons changer. 


Namaste, 


Philip RIGO

dans Blog
La relaxation et le Yoga